Des tibetains en greve de la faim
Hunger Strike unto Death (photo)
Présentons les individuellement :
Karma Sichoe est né en 1973. Resté au T.C.V. à
Dharamsala jusqu'en 1991, il rejoint le Tibetan Art and Métal
Craft Centre. En 1993, il se rend au Népal au Traditional
Training Centre, pour apprendre la peinture de Tangka . En 1995, il
participe à une manifestation devant l'ambassade de Chine
à Delhi.
Il m'explique avoir toujours dit qu'un jour il ferait vraiment
quelque chose pour son pays.
" Personne ne me croyait, alors je n'en parlais plus ".
Aussi, dès la première semaine de février, quand
le T.Y.C. l'informe de la grève de la faim, " je m'inscrivis
immédiatement ! ",dit-t-il avec intensité.
Pour les formalités, il est nécessaire d'avoir un
témoin, garantissant cet engagement. N'ayant pas de famille,
il en informe son meilleur ami, Yungdrung, qui décide lui
aussi de suivre cette grève de la faim.
A Delhi, un journaliste indien lui demande :
" Qu'est-ce qui vous a fait choisir de risquer votre vie à un
si jeune âge ? ".
Karma répond :
"Je préfère mourir jeune en me battant pour la
liberté de mon pays que vivre vieux en tant que
réfugié. "
Yungdrung Tsering est né en 1970. Il reste également au
T.C.V., puis rejoint le centre "handicraft" du T.C.V. en 1986,
pour y étudier également la peinture de
tangka, pendant six ans. Il travaille ensuite pour le Centre en
tant que peintre de tangka, six ans de plus, il est maintenant
à son propre compte, à Dharamsala, où il partage
une chambre avec Karma. Il a participé à la
première marche de la paix en 1995.
Dawa Gyalpo, né au Tibet, a dû s'enfuir du Tibet en
1959, il n'avait qu'une dizaine d'années. Il étudie
ensuite trois ans à l'école tibétaine de
Mussoorie en Inde. En 1971, il se rend à Dharamsala et y sert
la communauté tibétaine durant quelques années.
C'est à ce moment qu'il adhère au Tibetan Youth
Congress, à sa création. Déjà il
explique:
"J'étais agité. Je voulais faire quelque chose de
grand, d'efficace pour notre lutte de liberté. "
Ensuite de 1975 à 1985, il est guide de montagne au
Népal. En 1985, son rêve de revoir le Tibet se
réalise. De retour en Inde, il s'installe au sein d'une petite
communauté tibétaine à Salugara, à
l'ouest du Bengale. En 1990, il y fonde une division régionale
du T.Y.C., dont il est toujours le secrétaire
général aujourd'hui. En 1995 il participe à la
Marche de la Paix. Son fils est administrateur du Tibetan Homes
Foundation.
Karma, Yungdrung et Dawa Gyalpo parlent anglais.
Dawa Tsering, né au Tibet en 1945, s'enfuit à
l'âge de quinze ans au cours du mouvement d'exil qui suit le
départ du dalaï-lama. En Inde, comme de nombreux nouveaux
exilés, il passe quelques années à construire
des routes au Nord de l'Inde. En 1962, il se porte volontaire pour
rejoindre l'armée indienne dans sa lutte contre la Chine, on
peut y voir une façon de défouler sa rancoeur. Il finit
par démissionner en 1972. Dès lors il s'installe
à Kunpheling au Sikkim, et y devient membre actif de la
section régional du "Mouvement Tibétain de
Liberté" (Tibetan Freedom Movement). En 1989 il participe
à la protestation contre la venue de Li Peng, ainsi
qu'à la Marche de la Paix en 1995. Dawa est marié et a
six enfants. Lors de sa grève, il explique :
" Ma femme et mes enfants comprennent que ce que je fais c'est
davantage pour eux, que "seulement" pour le Tibet. "
Madame Palzom est née au Tibet en 1930. Elle a souffert de
l'oppression chinoise, a été emprisonnée pour
avoir été la fille de parents
"contre-révolutionnaires". Elle participe aux manifestations
de 1987 à Lhassa, où son mari est tué. En 1989
elle parvient à s'enfuir au Népal. Elle y vit de
nombreuses années, dans une maison de retraite, puis
récemment s'installe en Inde. Elle participe activement
aux deux marches, en 1995 et 1996. Surnommée la Mère de
la Marche de la Paix, c'est en ce nom, qu'un grand Lama du
Népal, Trulshik Rimpoche, vient lui offrir un mala
(rosaire), exprimant :
" Votre engagement pour notre lutte de paix est infatigable,
Mère de la Marche de la Paix. Prenez ceci. Vous en aurez
besoin par-dessus tout, maintenant. "
Il ne pouvait pas mieux prévoir puisque deux mois plus tard
elle était la seule femme à participer à la
grève de la faim.
"Je n'ai pas peur de mourir. Je suis déjà morte une
centaine de fois durant le temps de ma propre vie et de celle de mes
parents... Et je ne cherche pas une revanche. Tout ce que je veux est
justice.", dit-elle.
Monsieur Kunsang est né au Tibet en 1928. Pensant que les
chinois allaient vite repartir, c'est seulement en 1976, notant alors
aucun changement après la mort de Mao, qu'il se décide
à s'enfuir. Il passe alors huit ans au Sikkim, travaillant
à la construction de routes près de Gangtok, la
capitale. Puis il rejoint le camp de Puruwala au nord de l'Inde en
1986. Il y devient membre de la division régionale du T.Y.C.,
et participe aux deux Marches de la Paix. Aujourd'hui il vit seul
avec son fils en Himachal Pradesh. Kunsang témoigne de la
visite de son fils moine qui lui dit :
&laqno; Père, je suis fier de ce que tu fais pour notre cause.
Mais tu ne dois jamais entretenir de mauvais sentiments contre les
chinois, dans ton coeur. Ton sacrifice est pour le
bénéfice de tous les êtres, y compris les
tibétains et les chinois.
Kunsang a entendu puisque comme ses cinq compagnons, il passe son
temps à réciter le mantra de la compassion bouddhiste,
"Om mani padme hum", pour la paix de tous les êtres.
© tous droits réservés Mélanie Portet-Le Doze-Maitrise d'Ethnologie98 Université Paris-8 Saint-Denis (FR) Contact Mˇlanie