Des tibetains en greve de la faim

hunger (photo)
plan du camp

 

1-intro







I - RAPPEL HISTORIQUE





Au nom de la libération des peuples, contre les "impérialistes occidentaux" et "les forces féodales ", en 1948, les premières troupes de Mao Tsé-Toung s'approchent de la frontière du Kham (Est du Tibet). Qui pouvaient bien être ces "impérialistes" , alors qu'il y avait, selon le XIVème Dalaï-Lama, Tenzin Gyatso,   à la fin des années quarante, seulement six européens résidant au Tibet : un missionnaire et deux opérateurs radio anglais, deux autrichiens et un russe blanc. » . Le gouvernement de Lhassa envoie aussitôt des délégations en Angleterre, aux Etats-Unis, en Inde et au Népal, informer de la situation. Elles ne reçoivent que des refus.

La République Populaire de Chine est proclamée, en 1949. Le 1er janvier 1950, Radio-Pékin proclame sur ses ondes : "Le devoir de l'Armée Populaire de Libération (A.P.L.) pour 1950 est de libérer Taiwan, Hainan et le Tibet. " . Et le 7 octobre 1950, elle envahit le Tchambo avec 40.000 chinois, contre quelques 8.500 tibétains. Le 11 octobre, le gouvernement tibétain contacte directement l'O.N.U. (Organisation des Nations-Unies). Un débat sur la question tibétaine est envisagé, mais est annulé par le comité exécutif. L'erreur du Tibet, qui ne craignait aucune invasion, aurait été de ne pas avoir jugé utile de s'affilier à l'O.N.U., afin de s'assurer une certaine reconnaissance et  protection internationale. À ce moment, la Chine met en garde les États qui tenteraient de soutenir la "poignée de réactionnaires" et "séparatistes" tibétains, que leur intervention serait perçue comme un acte hostile au peuple chinois, une ingérence dans les affaires intérieures de la Chine. Ainsi, le 25 octobre, le gouvernement de Pékin peut annoncer officiellement son entrée au Tibet. Le 7 novembre, le gouvernement de Lhassa relance l'alerte à l'O.N.U., mais compte tenu des mises en garde de la Chine, le débat est repoussé, en attente d'informations plus précises ; il ne reprendra qu'en 1959.

Le 17 novembre 1950, face à une telle situation de crise, le gouvernement de Lhassa est désemparé et n'a pas d'autres choix que d'investir le XIVème Dalaï-Lama, en tant que chef temporel, deux ans avant l'âge légal. Tenzin Gyatso n'a alors que 16 ans.
Le 23 mai 1951, une délégation tibétaine non reconnue par Lhassa signe sous la contrainte, l'accord dit "en dix-sept points" entre le gouvernement chinois et le gouvernement local tibétain, clos par un sceau contrefait. Cet accord lie le sort du Tibet et des tibétains à la Chine.

En octobre 1951, l'Armée Populaire de Libération (A.P.L.) entre à Lhassa, et trois mille hommes s'y installent. Très vite des routes sont construites.
L'Inde n'améliore pas la situation des tibétains, puisque le 19 avril 1954, elle ratifie un traité commercial avec la Chine. Ainsi, par l'expression "Tibet, province chinoise", pour la première fois la souveraineté de la Chine est reconnue. Par ce traité, Nehru accepte de ne pas intervenir dans le problème tibétain.

En 1954, le dalaï-lama se rend à Pékin, sous l'invitation de Mao Tsé-Toung. Il raconte ce que Mao lui confia :
" Le seul but de la présence chinoise était de nous aider. Le Tibet est un grand pays, affirmait-il. Vous avez une histoire merveilleuse. Il y a longtemps, vous avez même conquis une bonne partie de la Chine. Mais vous avez pris du retard, et nous désirons vous aider à le rattraper. Dans vingt ans, c'est peut-être vous qui serez en tête, et alors ce sera à vous de nous aider." L'idée d'une véritable association avec la Chine commençait à m'enthousiasmer; et plus je pensais au marxisme, plus je lui trouvais des qualités ; c'était un système qui voulait la justice et l'égalité pour tous, une panacée pour notre monde. D'un point de vue théorique, le seul défaut que je lui voyais était qu'il insistait sur l'aspect purement matériel de l'existence humaine. Sur ce point, je ne pouvais pas être d'accord. Et je me posais aussi certaines questions sur les moyens utilisées par les chinois pour réaliser leurs idéaux. Ils me semblaient manquer de souplesse. Mais je n'en annonçai pas moins mon désir de devenir membre du Parti. J'étais persuadé, et je le suis toujours, qu'il était possible d'opérer, entre les doctrines bouddhiste et marxiste, une synthèse d'où résulte un mode de gouvernement efficace.  "
Ainsi, à l'instar de nombreux occidentaux, le dalaï-lama a cru à cette idéologie marxiste-maoïste, pour sa part tout en se méfiant de son application.

Méfiance justifiée, puisque malgré la &laqno; politesse et la serviabilité » des premiers temps de l'A.P.L., très vite, celle-ci se mit à réquisitionner des maisons, de la nourriture, au point que Lhassa connut la famine.
"Le général Chi-Wu déclara que le gouvernement tibétain avait signé l'accord selon lequel les forces chinoises pouvaient stationner au Tibet et que nous étions désormais obligés de leur fournir réserves et logement ",
témoigne le dalaï-lama.

En août 1952, les chinois entreprennent les réformes socialistes, basées sur le programme d'autonomie régionale. Plusieurs représentants des premières régions, soit-disant "autonomes", créées dans les secteurs de minorités nationales, sont formés en Chine.

Face à une telle invasion, les Khampas habitants de la province du Kham, à l'Est du pays appelé par Alexandra David-Neel, le " Pays des brigands  gentilshommes " se rebellent. Regroupés au sein de l'Armée des Volontaires de la Défense nationale (A.V.D.N.), ils se battent plein d'espoir, notamment en 1955 et 1956, formés secrètement par la C.I.A.. Certains avancèrent le chiffre de quatre vingt mille. Mais cela n'a pas suffi pour venir à bout de l'armée  chinoise.

Finalement, ils auraient organisé la fuite du dalaï-lama en Inde. En effet, alors que le dalaï-lama est invité le 1er mars par le général Tan Guansan à une représentation théâtrale dans un camp militaire de l'A.P.L., seul et sans arme. le piège est pressenti. Le dalaï-lama gagne du temps en repoussant l'invitation au 10 mars. Là, une foule de trente mille tibétains se rassemble aux portes du Norbulinka, résidence d'été du dalaï-lama, pour l'empêcher de s'y rendre :
" Je pouvais entendre les slogans de la foule : " Les chinois hors du Tibet, le Tibet aux tibétains. " Tous réclamaient la fin de l'occupation chinoise. "

C'est dans la nuit du 16 au 17 mars, que les Khampas escortent secrètement le dalaï-lama et sa famille jusqu'en Inde qui lui accorde l'asile.

Le soulèvement de Lhassa du 10 mars a irrité les chinois, et les jours qui suivent se passent sous les bombardements... jusqu'au 21 mars. On parle de douze mille morts selon les sources tibétaines. Dix mille personnes sont emprisonnées, soit un quart de la population de Lhassa. Selon les termes du dalaï-lama,
&laqno; Ils n'ont pas été seulement fusillés, mais battus à mort, crucifiés, brûlés vifs, noyés, mutilés, affamés, étranglés, pendus, ébouillantés, enterrés vivants, écartelés ou décapités. » 

Ces horreurs n'ont fait que s'accentuer, sous la révolution culturelle, dès 1966, qui luttait contre les "quatre vieilles" : vieille culture, vieilles coutumes, vieilles traditions et vieilles idées.
"Ainsi, après avoir étudié de nombreux témoignages concordants, la Commission Internationale des Juristes (C.I.J.) estima dans son rapport officiel que la Chine perpétrait un génocide au Tibet. "


Aujourd'hui, la situation ne s'est pas améliorée, comme le décrit le dernier rapport de la C.I.J., de décembre 1997, intitulé " Tibet, droits de l'homme et primauté du droit  "  qui expose les violations des droits de l'homme, subies par le peuple tibétain, sous la domination chinoise. Les deux précédents rapports de la C.I.J. datent de 1959 et 1960.

Cette répression s'est accrue. Depuis 1996, "Il est interdit d'exposer dans des lieux publics le portrait du dalaï-lama » et &laqno; en 1997, le bouddhisme a été qualifié de "culture étrangère"  ".

Ainsi, la C.I.J. décrit le non-respect de l'"autonomie nominale accordée à la RAT", les menaces contre l'identité et la culture tibétaines, les transferts de population chinoise, la destruction du patrimoine culturel du Tibet, la perte de la langue, le manque de développement, la destruction de l'environnement. Y est également développé la perte des droits individuels : par un non-respect du rôle du pouvoir judiciaire, du droit à l'éducation, du droit au logement, du droit à la santé, les détentions arbitraires, les tortures, les exécutions extrajudiciaires ou arbitraires, la limite de libertés d'expression, de religion, de réunion, le contrôle démographique, le non-respect du statut juridique du Tibet. La C.I.J. conclut :
" Les Tibétains sont un "peuple sous domination étrangère" et, en tant que tel, peuvent se prévaloir du droit à l'autodétermination prévu en droit international pour déterminer librement leur statut politique. Le peuple tibétain n'a pas encore exercé ce droit qui requiert une expression libre et authentique de leur volonté. ".
Ce rapport remet officiellement à l'ordre du jour la question tibétaine, tout en proposant des solutions immédiates par des recommandations, à la République populaire de Chine, aux Nations-Unies, à la communauté internationale, ainsi qu'au gouvernement tibétain en exil.
"La principale recommandation concerne la tenue d'un référendum au Tibet sous la supervision des Nations-Unies, afin de déterminer les souhaits du peuple tibétain."


C'est dans le but de faire appliquer ces recommandations que le T.Y.C. alerte les Nations-Unies par une grève de la faim illimitée à Delhi, commencée le 10 mars 1998.


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© tous droits réservés Mélanie Portet-Le Doze-Maitrise d'Ethnologie98 Université Paris-8 Saint-Denis (FR) Contact Mˇlanie

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