Des tibetains en greve de la faim

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 C - "FIN" DE LA GRÈVE

  1) - 15 mai : Interruption de la grève de la faim

Le 15 mai, après 48 jours pour la première équipe et 18 jours pour la deuxième, le T.Y.C.décide d'interrompre la grève de la faim .
En effet, cette décision a été prise en
"réponse aux promesses de soutiens vigoureux des gouvernements de Pologne, des Etats-Unis, de Hongrie, de l'Union européenne, et particulièrement de Norvège et de Costa Rica, qui ont promis de s'occuper de la question du Tibet aux prochains entretiens bilatéraux avec la Chine, et aux sessions multilatérales."
Elle a été encouragée par également
"des promesses de soutien, de parlements d'Australie, de l'Union Européenne, de Lituanie, d'Inde, du Canada et du Congrès des Etats-Unis."

Le T.Y.C. a donc décidé de leur laisser le temps de respecter leur promesse. Reste à savoir quel poids ces États solidaires peuvent avoir sur les prises de décision de la cause tibétaine. En tant qu'États membres de l'O.N.U., à défaut d'un pouvoir de décision, ils ont au moins celui d'expression.


  2) Le T.Y.C. reconnaît et  apprécie les soutiens

Lors de sa déclaration d'interruption de la grève, le T.Y.C. en profite pour relever la prise en considération générale de leur mouvement.
Il apprécient ainsi tout d'abord Kofi Annan et Mary Robinson de leur avoir répondu et de s'être enfin préoccupés de leur sort. Il déclare :
"Même s'ils n'ont pas touché au coeur de nos trois demandes, les Nations-Unies ont enfin commencé à montrer de l'intérêt pour la question tibétaine après trente ans." 
Relevons la diplomatie des organisateurs de cette grève, à l'égard de l'O.N.U.. D'autant plus qu'ils ajoutent, précisant toujours ce qu'ils attendent :
"Nous espérons que ce geste aboutira finalement à une participation active des Nations-Unies dans la résolution de la question tibétaine à la satisfaction du peuple du Tibet. "
Ils avaient aussi beaucoup d'espoir en la visite de Bill Clinton, affirmant :
"On nous a également dit que le président des Etats-Unis, Bill Clinton, soulèverait la question tibétaine durant sa rencontre avec Jiang Zemin à Pékin en juin." 
Ce qu'il a effectivement respecté. Le T.Y.C. déclare également sa reconnaissance à Madeleine Albright, secrétaire d'Etat des Etats-Unis, d'avoir préparé la venue de Bill Clinton en abordant elle-même la question tibétaine avec le dirigeant chinois. 
Des remerciements vont également à Richard Gere, Adama Dieng, ainsi que  "de nombreuses autres personnalités parlementaires et amis pour leur sincère soutien aux grévistes de la faim. " .

Ils sont reconnaissants également vis à vis de "Sa Sainteté" le dalaï-lama, dont les visites à Jantar Mantar et à l'hôpital ont "remonté leur moral ". Affirmant leur respect, tout en lui glissant un petit message, ils déclarent :
"Nous espérons avoir de même un encouragement continu de sa Sainteté dans les jours qui viennent."
En outre, selon le T.Y.C., le Sénat australien aurait déjà signé une résolution soutenant  les demandes des six grévistes. Le Parlement européen a également signé une résolution à propos de la nomination d'un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet, le 16 janvier 1998 .
Toujours selon le T.Y.C., la question tibétaine aurait déjà été soulevée lors de la cinquante-quatrième session des la commission des Droits Humains de l'O.N.U., ainsi qu'aux parlements de Grande- Bretagne, de Suède, de Norvège et du Luxembourg.

Ils n'oublient pas non plus de manifester leur reconnaissance aux étudiants et intellectuels indiens, mais aussi chinois, et à toutes les personnes du monde entier qui leur ont envoyé des messages de soutien.

C'est en raison d'une telle prise de conscience, que le T.Y.C. a décidé d'interrompre le mouvement. Mais le communiqué précise fermement :
"pour laisser le temps aux soutiens internationaux de se concerter et lesquels, nous espérons, conduiront logiquement à l'action des Nations-Unies pour nos demandes. Si cela n'a pas lieu, nous recommencerons notre mouvement."

Leur détermination est énoncée :
"Nous voulons montrer clairement au monde que la mort de  un million deux cent mille Tibétains comme résultat  direct de l'occupation chinoise et le récent suprême sacrifice réalisé par Thupten Ngodup montre la détermination du peuple tibétain que nous continuerons notre lutte jusqu'à la dernière goutte de notre sang jusqu'à ce que la liberté et la dignité soient restaurées au peuple du Tibet. "
Le communiqué se termine par leur souhait :
"LONG LIVE TIBET ! LONG LIVE DALAI-LAMA  !"


  3) Retour des grévistes à Dharamsala

À l'annonce de l'interruption momentanée de la grève, je suis à Dharamsala. Là-bas, nombre de tibétains se montrent déçus, car les demandes n'ont pas été appliquées. Mais ils s'avouent rassurés pour la vie des cinq derniers grévistes. Effectivement la deuxième équipe, ayant débuté son jeûne le 27 avril, subissait la chaleur, bien plus difficile à supporter qu'au mois de mars. Très discrets sur leur sentiment, il est difficile d'en savoir davantage.

À l'annonce de la fin de la grève de la faim, les grévistes sont attendus à Dharamsala. Leur retour est prévu le dimanche 24 mai, dans la matinée. Une cérémonie est prévue au temple, sans la présence du dalaï-lama, toujours à l'étranger.


Ce matin là, nous ne sommes pas très nombreux à les attendre sur la &laqno; bus stand », à l'entrée de Dharamsala. Je suis étonnée, qu'après toute l'animation que cette grève de la faim a suscitée à Dharamsala, seulement quelques dizaines de tibétains et  d'"occidentaux" viennent les attendre. Finalement, ils se font attendre longtemps, puisque leur bus n'arrive qu'en début d'après-midi. Peut-être se doutaient-ils de ce retard, comme cela s'était passé pour le retour du corps de Thupten Ngodup.

Le bus conduit les grévistes jusqu'au temple. Là, ils sont reçus en joie. Tout le monde applaudit et crie. Madame Palzom, la seule femme, est la première à sortir du bus.  Elle avance jusqu'aux marches du temple, les mains jointes. Ces mains ne sont pas jointes en prière, mais croisées, et levées au dessus de la tête, plutôt en triomphe. Les dix autres, de la première et de la deuxième équipe, la suivent.

La cérémonie dure alors tout l'après-midi. La troupe du T.I.P.A. , l'institut tibétain des arts de la scène, chante l'hymne tibétain pendant que le drapeau est hissé. Les femmes portent des tchoupa  rose vif, et des tabliers de rayures colorées. La tchoupa est portée par les femmes tibétaines à Dharamsala, en revanche le vêtement que porte les hommes de la troupe, pantalon, veste et bottes de tissus épais, n'est pas usité à Dharamsala. Peut-être faisait-il trop chaud les mois où j'y étais.

Ensuite Tseten Norbu , président du T.Y.C. , fait un discours, en tibétain. Toute la célébration de ce retour se déroule en tibétain. On ressent très bien que maintenant c'est leur histoire. Il n'y a plus de messages à faire passer, donc plus de nécessité de parler anglais. C'est un rassemblement entre tibétains et pour le peuple tibétain. Une reconquête de leur identité nationale...

Il fait particulièrement chaud ce jour-là. La célébration dure tout l'après-midi. Les femmes se protègent du soleil, en posant leur tablier plié en quatre sur la tête. Et les parapluies servent de parasols, comme ont l'habitude de les utiliser les indiens. Des lamas, ainsi que des représentants du gouvernement en exil offrent des katas aux onze grévistes de la faim. La célébration se termine après quelques discours et la foule,  venue les accueillir, se disperse.

Les anciens grévistes séjournent quelques jours tous ensemble à l'hôtel Kailash de McLeod Ganj. Ils sont en bonne santé, excepté le jeune moine, vénérable Jampa Kelsang, atteint de tuberculose  qui est au Delek Hospital. Je viens d'apprendre que Sonam Dekyi y séjourne également, ayant accepté de quitter les trottoirs de Delhi pour "soigner ", elle aussi, sa tuberculose. Les autres ont repris des kilos et retrouvé leur beau sourire.

Pendant leur séjour à Dharamsala, ils assistent à la cérémonie hebdomadaire en l'honneur de Thupten Ngodup. Au temple, près de son portrait, Dawa Gyalpo prend la parole, à nouveau en tibétain.

Le 27 mai, jour du départ, chacun retourne chez soi. Ne restent que Karma Sichoe et Yungdrung Tsering, qui vont continuer leur art de tangka, et Madame Palzom, qui a décidé de rester à la maison pour personnes âgées de Dharamsala.

Tout est devenu calme à Dharamsala, comme si rien ne s'était passé durant ces derniers mois. Pourtant un homme s'est immolé, et des grévistes de la faim étaient prêts, eux aussi, à se laisser mourir.
Tout est redevenu calme, car les tibétains attendent. Ils attendent depuis bientôt cinquante ans, et attendent toujours de rentrer dans un Tibet Libre...


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© tous droits réservés Mélanie Portet-Le Doze-Maitrise d'Ethnologie98 Université Paris-8 Saint-Denis (FR) Contact Mˇlanie

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