Des tibetains en greve de la faim

hunger (photo)
plan du camp

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IV -... POUR ÊTRE ENTENDUS

 A - L'INFORMATION PASSE T-ELLE ?

  1) Des médias muets

Dans le monde entier, notamment en France, les médias sont très discrets, voire muets. C'est d'ailleurs une des raisons qui m'ont incitée à enquêter sur ce mouvement.  Pourtant, à Delhi, les correspondants se déplacent régulièrement prendre des nouvelles des grévistes. Les rédactions de presse, au siège, ne transmettraient donc pas les informations reçues ? Certains correspondants des grands quotidiens français m'avouent qu'il est fréquent que leurs articles en parution ne ressemblent plus vraiment à ceux qu'ils ont envoyés.

Quelques articles   paraissent néanmoins, en France, dans Le Monde, le 18 avril, ainsi que le 28 avril, lorsque trois des grévistes sont hospitalisés, de même dans Libération  le 27 avril. Ce n'est qu'à partir de l'immolation par le feu de Thupten Ngodup, que les médias en font vraiment écho.

À la télévision française, arte diffuse les images de Thupten Ngodup en brasier vivant, lors de son 8 et demi, le lundi soir 27 avril 98. Le quotidien Libération  consacre un article d'une demi-page, illustré de la photo tirée du film vidéo amateur. Le Monde diffuse également un article d'un tiers de page. La photo est également publiée dans la revue Entrevue, fin mai.
Cependant ces articles sont très (trop ?) objectifs,titrant :
"L'immolation d'un tibétain met en cause la stratégie de non-violence du dalaï-lama" (Le Monde, 2/05/98),
ou "Les réfugiés contestent la non-violence du dalaï-lama" (Libération, 3/05/98).
Voilà le risque de présenter un événement à travers une seule position. Les journalistes ont le tort de vouloir reprendre strictement la position bouddhiste du dalaï-lama sur ce suicide, sans relever que, même si lui, ne peut accepter cette violence, en tant que bouddhiste, cette forme de violence est aussi perçue comme un acte de sacrifice, très respectable. Quand les tibétains font ce genre d'action, ce n'est pas par contestation de la démarche du dalaï-lama, comme nous l'avons présenté plus haut. De telles erreurs créent ainsi une confusion, transmettant au monde entier exactement l'inverse de ce qui se passait à Delhi. Peut-être ces titres ont-ils été écrits par des secrétaires de rédaction de leur bureau à Paris, loin de la situation du terrain.


  2) Certains journaux osent

Presque tous les jours, les journaux indiens ,The Hindustan times, Asian Age, The Pioneer, Statesman, Times of India, The Tribune, The Indian express, informent du déroulement de la grève de la faim, ainsi que des visites. Suite à la venue de Richard Gere, acteur américain ardent défenseur médiatique de la cause tibétaine, de longs articles, illustrés de photos, sont consacrés aux tibétains. Les journalistes indiens n'hésitent pas à parler de l'oppression chinoise.
Un article de Time magazine du 20 avril 1998 titre : "Paying the ultimate price". Cet article décrit adroitement la situation, faisant parler le dalaï-lama ainsi que les tibétains.

Eugene Louie, photojournaliste du San José Mercury News, sur place à Jantar Mantar durant une dizaine de jours, réussit à publier son reportage, à son retour aux Etats-Unis. Il diffuse un entretien avec Sonam Dekyi, la mère du jeune tibétain emprisonné, faisant signer des pétitions sur le trottoir de Parliament street, à Jantar Mantar. L'article est très sensible, très proche de la réalité de cette femme, qui a bien voulu se confier à lui. En outre, deux pages entières sont consacrées aux grévistes, dont une en première page, en couleur, de l'édition de la semaine (Perspective), le dimanche 24 mai 1998, ainsi titré :
"Hunger for freedom" , "Tibetan crisis is wake up call "   
et "Tibet's struggle turns desperate  with fast and fire".
Eugene écrit un article très engagé et sensible, comme le font rarement les journalistes, allant jusqu'à demander pardon à Thupten Ngodup d'avoir été absent au moment de l'immolation et "de ne pas avoir pu montrer au monde son sacrifice."


  3) Sur internet on en parle

Comme le fait constater Télérama , dans un article sur les associations et O.N.G. qui défendent les droits de l'homme sur Internet, "errain d'action idéal pour les associations,  le Web permet de mobiliser rapidement l'opinion mondiale? Et d'agir sans frontières." Télérama donne comme exemple celui de la grève de la faim des tibétains à Delhi, illustrant l'article d'une photo de Kunsang endormi recroquevillé.

Moi même, je vois un moyen de faire passer le message des tibétains. Constatant que les médias ne relaient pas l'information sur la grève de la faim, je demande à ma mère avec qui je communique par  courrier électronique sur internet, d'informer de ce qui se passe. Elle me propose alors de publier mes messages sur sa page personnelle qui fait l'objet d'un article de Télérama sur Mai 68. Je suis d'accord, cela permet de transmettre un témoignage direct, qui ne subira ni transformation par un tiers, ni censure hiérarchique. Ainsi, dès que je peux, de Delhi ou de Dharamsala, j'écris mes impressions de cette grève de la faim sur le vif... Ma mère actualise immédiatement sa page et donne des informations avant les agences de presse. Très vite, des messages sont échangés dans le monde francophone, entre la France, la Belgique, la Suisse, le Québec, les français à l'étranger... Chaque personne découvrant mes chroniques transmet le message à d'autres personnes susceptibles d'être intéressées, et, par le principe d'une toile d'araignée (le web en anglais), un réseau se tisse pour relayer les informations sur la grève de la faim, jour après jour. L'information passe...

Les grands médias ne couvrent pas l'événement mais le message se transmet...
Un nouveau civisme planétaire est en train de se mettre en place et les associations de soutien au Tibet utilisent Internet pour organiser des campagnes de pétition par messages électroniques (ou fax) adressés aux hommes politiques de chaque pays, et  au destinataire du mouvement des grévistes : l'Organisation des Nations-Unies.




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© tous droits réservés Mélanie Portet-Le Doze-Maitrise d'Ethnologie98 Université Paris-8 Saint-Denis (FR) Contact Mˇlanie

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