Bienvenue à Kerantorec

(écrit en 1998)


Bonjour ! Je m'appelle Marie-Hélène Le Doze, j'ai 52 ans et beaucoup de cheveux blancs ; fière de les avoir, je n'ai ni envie de paraître plus jeune ni peur de vieillir, je sais qu'on ne peut pas tricher avec la vie mais qu'on peut repousser bien des limites, physiques ou matérielles.
J'élève seule mes trois filles - 23, 21 et bientôt 10 ans - nées de deux pères différents, j'ai eu mes filles aînées autour des trente ans, ce qui était assez tard, mais j'ai joué les prolongations : j'ai aussi été une jeune mère aux cheveux d'argent.
Pendant longtemps j'ai écrit mon journal, j'ai pris des notes sur les gens que je rencontrais lorsque j'étais étudiante à Paris, Fac de droit-Assas (alors neuve), la Sorbonne, puis Vincennes : j'ai été une pionnière de Paris-8, cherchant à réaliser au quotidien un autre mode de vie dégagée de cette société de consommation que nous avions tant critiquée en mai 68 (cette soif jamais ressentie).
Je réalise trente ans après que j'ai été le témoin candide d'un monde en changement. J'ai connu (parfois très intimement) des gens aujourdh'ui connus de la plupart d'entre vous, amis lecteurs, des gens inscrits dans l'histoire de l'art et de la communication de la France et même de la République !!! Mais j'ai aussi beaucoup observé, beaucoup écouté avant de m'exprimer moi-même.
Maintenant que ma vie hormonale fait la part moins belle à mes émotions, et que je n'utilise plus la majeure partie de mon énergie à faire l'amour, je crée mon oeuvre, j'essaie de tirer de chaque expérience quelque leçon de vie et je le transmets sur ma page internet qui, me disent mes filles aînées, me sert de thérapie... Bien sûr la page internet ne sera jamais aussi intérieure qu'un journal intime. Mais ma page personnelle depuis février 97 m'a apporté autant de contacts profonds que ceux que je pouvais avoir du temps d'aquamarine 67. Et je ne ressens aucune frustration à ne pas hanter les couloirs du pouvoir, dont les discours me semblent bien dérisoires.
Le mien (de discours sur cette page internet) n'est pas forcément "politiquement correct", je n'ai plus rien à faire avec la politique qui n'a pas apporté les réponses espérées il y a trente ans. Les politocards ne sont que des voyageurs de commerce qui, pour des contrats internationaux, sont capables d'estimer qu'en Chine le problème des droits de l'homme n'est que relatif !... J'ai honte de voir combien les principes de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 sont peu appliqués, au profit de contrats qui se voudraient juteux (pour qui ?). J'ai honte de voir combien la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, toujours préambule de notre Constitution de 58, est peu respectée au profit de règlements administratifs contradictoires.
J'ai honte aussi de voir nos gouvernants de droite comme de gauche dérouler le tapis rouge à un Bill Gates, reçu comme un chef d'état, adoré comme le veau d'or. Oui j'ai souvent honte de nos gouvernants.
Je ne crois désormais qu'à l'action personnelle au quotidien, dont le relais fait en mai 98 à la grève de la faim des tibétains, en direct de Delhi par les messages de ma fille Mélanie, est un exemple de solidarité immédiate par internet, outil démocratique universel.
Je vis en Bretagne, simplement, au milieu des champs, non loin de la mer, entourée d'une nature dont la générosité m'étonne toujours. Âpre, sauvage, redoutable pendant ses tempêtes, cette nature est aussi consolatrice.

Ce qu'elle m'offre de plus beau ne s'acquiert pas avec des biens matériels : les étoiles dans le ciel quand je descends la nuit travailler dans mon bureau isolé au chanvre, une comète qui s'attarde tout un printemps, un merle familier qui vient me saluer sur le toit de la petite chaumière au point du jour, un crapeau qui m'attend au pied de l'escalier à la tombée de la nuit, une plante médicinale qui se prépare sous les herbes sèches, une mer qui nous ressource au cours d'un été somptueux prolongé en automne, un hiver où la brume rappelle toutes les légendes entendues au coin du feu pendant l'enfance ou lues depuis par nostalgie ou recherche de merveilleux, un sanglier passant derrière la maison, deux chevreuils bondissant après une grosse pluie dans la prairie voisine, une brebis qui s'égare et vient se réfusier près de nous...
tout ça est offert à qui veut bien s'arrêter au bord du chemin, et apprécier.
Pour moi, c'est ça la vraie richesse, et je me sens privilégiée.
Pourtant cette harmonie n'a pas suffi à protéger mon frère Bruno, qui nous a quittés en septembre 97. Il était jardinier. Il m'arrive de pleurer devant toute cette beauté qu'il ne verra plus.



Quand un drame comme la mort d'un frère ou d'un proche survient dans une famille, toute la vie est remise en question : je dois ajouter de nombreux post-scripta à certaines de mes pages où j'exprimais ce que je croyais être des convictions.

Pardonnez-moi mes contradictions : je n'ai pas de solution toute faite, la vie n'est pas un produit marketing fini, emballé et bien présenté sous plastique aseptisé...
J'avais cru que la vie était très forte, que parfois nous faisions appel à des ressources enfouies tout au fond de nous, et le départ prématuré, bouleversant, de Bruno montre que parfois aussi la vie ne tient qu'à un fil, si ténu, si fragile, qu'il faut le préserver très fort, à chaque seconde. Tant qu'il est encore temps.
affectueusement à vous
marie-hélène
pour moi l'espoir, c'est voir refleurir un petite violette sur un talus...
(écrit au printemps 98)

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toxicaide : pour aider les toxicos, ex-toxicos et leur entourage,
un site a été créé après la disparition de Bruno, animé par Christian Boucher de Bruxelles, webmaster bénévole, ex-toxicomane lui-même, abstinent depuis plus de 20 ans

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Portraits photos par Coralie Portet (MH Le Doze 1996, Bruno Le Doze 1997) - Copyright : Marie-Hélène Le Doze (tous droits réservés)