Des tibetains en greve de la faim
pour la libération du Tibet
grève de la faim à Delhi (Inde)
Mélanie témoigne
Messages internet de Mélanie à sa mère en
Bretagne
http://perso.club-internet.fr/mhledoze/breves/melanindia.html
Mélanie Portet-Le Doze (23 ans) est étudiante à
l'Université de Paris-8 Saint-Denis (France), elle prépare
sa maîtrise d'ethnologie sur le terrain à Delhi près
des grévistes de la faim et à Dharamsala,
résidence du Dalai lama depuis qu'il a dû quitter
le Tibet en 1959.
Elle était partie en Inde faire son mémoire sur
les conséquences d'une action humanitaire menée
avec neuf autres étudiants de Rennes et Brest en juin-juillet
96 à Madras (construction d'une crèche dans un village).
Le premier mois de son séjour, Mélanie devait voyager
en "touriste" du 9 mars au 6 avril, puis devait descendre
sur Madras pour travailler à sa maîtrise jusqu'au
9 juin...
Mais elle s'est retrouvée à Dharamsala, au moment
des enseignements (teachings) du Dalaï-Lama. Dharamsala était
en pleine effervescence car une grève de la faim était
entreprise à Delhi pour la libération du Tibet.
Elle m'avait appelée le 27 mars pour me parler des journées
de jeûne et de prière de ce week-end à Dharamsala.
Puis, j'avais craint un moment, en mère qui se voudrait
lucide, que Mélanie abandonne ses études pour accompagner
les tibétains grévistes de la faim. Mais Mélanie
a trouvé une solution que personne n'aurait pu lui inspirer
: elle a demandé à son professeur de Paris-8 l'autorisation
de changer de sujet.
Elle fait donc son étude sur la grève de la faim
des tibétains en lutte contre le régime chinois.
Elle a choisi la voie toute bouddhique du milieu: la voie du coeur
et de la raison.
Consciente que cette démarche n'est pas dans la lignée
orthodoxe de l'esprit universitaire, elle me demande de transmettre
son témoignage humain, afin que se diffuse le message des
tibétains prêts à mourir pour que vive leur
pays.
Je publie ses informations transmises par messages électroniques,
au fil des jours, faisant les mises à jour immédiatement.
Je prie mes lectrices et lecteurs internautes prie de bien vouloir
les relayer. Ce peut être la grande force d'Internet : nous
mobiliser pour de grandes causes. Chacun au coeur de notre réseau.
C'est bien de cette solidarité que nous rêvions il
y a trente ans, pour un monde nouveau.
Avec nos bénédictions.
marie-hélène Le Doze
avril-mai 98
mhledoze@free.fr
http://perso.club-internet.fr/mhledoze/
Les Messages de Mélanie
Message du 2 avril 1998 après la journée de jeûne
et prière à Dharamsala pour la libération
du Tibet.
Voici les 24h de 'hunger strike' accomplies. Fortes émotions...Ca
bouge beaucoup ici. 6 tibétains (représentant 6
millions de tibétains) ont décidé de faire
une grève de la faim until death.. Auparavant certaines
avaient déjà été organisées,
mais elles avaient toutes été stoppées à
la demande du Dalaï Lama, qui ne peut donner son appui (suicide
= violence, en désaccord avec le boudhism of course...).
Cette fois, ils lui ont demandé de ne pas intervenir. Ils
ont donc la ferme intention de tenir et de se remplacer, si un
mourrait avant d'avoir obtenu leurs revendications, afin d'être
toujours 6.
Quel sacrifice ! Cet acte me touche. Je discute avec de nombreux
jeunes tibétains, qui veulent retourner dans leur pays
qu'ils n'ont pour la plupart jamais connu. Ils sont nombreux à
vouloir soutenir les hunger strikers de Delhi, certains pendant
24h, ou a week..
J'ai envie d'y aller. Soutenir le Tibet à ma façon.
Je sens que je dois faire quelque chose. Transmettre leur message...
J'ai donc décidé de rester près d'eux à
Delhi, durant les 2 mois qu'il me reste. Je crois que la cause
du Tibet est prioritaire par rapport à mon travail à
Madras, qui peut attendre...
Je le sens. Ce n'est peut-être pas un hasard si je suis
arrivée ici.
Je suis à DHsala jusqu'au lundi 6 avril. Je vous aime
....Love...Mela.....Thanks...
Message du 21 avril 98 de Dehli
Date: Tue, 21 Apr 1998 17:39:12 +0500
Subject: Mela from India
.
First I have to explain to you : A Dharamsala, après avoir
fait une grève de la faim de 24 heures avec des jeunes
tibétains et d'autres foreigners, j'ai décidé
de faire quelque chose. Mais pas aveuglément... Bien sûr
je ne suis par pour la mort. Ce qui m'interpelle, c'est leur démarche...
Pour eux la dernière solution, pour faire réagir
l'opinion, puis les Nations Unies, est de se donner la mort...
Se laisser mourir, se sacrifier pour un Tibet libre... Je ne pose
pas la question de savoir si cela est bien ou pas, si cela va
changer quelque chose ou pas... Non Je veux simplement sentir
ce qui se passe ici. Voir, écouter, comprendre, soutenir
si c'est possible...
Etudier aussi les réactions de la communauté tibétaine,
du Dalaï Lama, du gouvernement en exil, ainsi que les répercussions
sur l'opinion internationale. ... Je sens le devoir d'être
là en tant que française, qui peut diffuser leur
message...
Cela fait 3 jours que je suis près d'eux. L'ambiance est
triste, mais un tel sentiment d'espoir s'en dégage... Tout
est intense... Calme, sérénité sur leur visage.
Le soir les femmes leur font des massages avec du beurre, et des
fumigations de tsampa, sensées les fortifier... Leur boisson
:de l'eau citronnée, mais ils ont de plus en plus de mal
à pouvoir boire...
Sous une tente, leur 6 lits, photo de Gandhi au centre... Munis
de leur mala (chapelet) ils récitent des mantra, surtout
le : OM MANI PADME HUM .
Moments intenses près d'eux, sans parler, car ils sont
trop faibles...
Rencontres extraordinaires : des jeunes volontaires tibétains,
des femmes à leur soin... Mais également avec une
"western" (comme ils nous appellent), italienne, qui
reste près d'eux, tel un sage qui veille sur eux...
Un journaliste américain d'origine chinoise, venu de lui-même
(son journal n'était pas vraiment ok). Il a jugé
ce mouvement important, il est donc venu spécialement en
Inde pour eux...
Tant de personnes passionnantes chaque jour... Hier nous avons
eu la visite d'un jeune faisant un petit tour du monde, à
vélo, de Suisse à Hong Kong... Étonnant...
C'est vraiment urgent que les media réagissent, car ils
entament leur 43 ème jour et leur situation devient de
plus en plus critique...
Je vous aime.... et vous envoie toute la chaleur de Delhi... plus
de 40 degrés too much..
Mela
Message du 26 avril : C'est cette nuit (du 25 au 26) à
00h10, que la police est intervenue.
Niveau réactions internationales, pas grand chose : soutien
des ambassadeurs de Norvège, Pologne...
Message de Mary Robinson, responsable de la Commission des Droits
Humains des Nations Unies, affirmant son soutien, mais sans engagement
concret...
Le délégué de Kofi Annan prétend qu'il
ne peut rien faire, qu'il en ressort du pouvoir des états
membres... La Chine en faisant partie, peu d'issue positive
en vue !
L'état des hunger strikers empire...
Aussi, hier matin, suite à la venue d'un docteur, la police
est venue prévenir qu'elle allait bientôt intervenir,
en soirée, pour en conduire à l'hôpital...
Toute la journée a été tendue... Stress...
Attente... Toujours attente... d'une réaction internationale...
maintenant de la police...
Ca sonne la fin...Je ressens la peur d'un échec... I don't
know... Tensions
Le soir, la presse ayant immédiatement été
mise au courant : la TV, photographes, journalistes... Attente
toujours... Personne
C'est cette nuit (du 25 au 26) a 00h10, que la police est intervenue...
Je n'étais pas là, je les avais quittés 1/2
heure avant..
Ils sont arrivés à environ 60, sont entrés
dans la tente, ont emmené Dawa Gyalpo, âgé
de 50 ans,le plus malade, qui n'a pas résisté. Par
contre, Dawa Tsering, de 53 ans, ainsi que Karma, le plus jeune,
seulement âgé de 25 ans, ont résisté...
ils alors été extrêmement violents, les traînant
sur 200 m, de la tente à l'ambulance... une centaine de
nonnes, venues prier pour eux de Dharamsala, ont accouru, criant,
pleurant...
Par chance la BBC était là, elle a pu tout filmer...
Ce matin, calme... choc... Sentiment d'échec ????
Pour ma part, j'avoue être rassurée de les savoir
à l'hôpital... Leur vie n'est plus en danger. Bien
sûr je respecte leur choix mais, les jours avançaient,
et pas de réaction... pas d'action... J'avais de plus en
plus le sentiment de morts inutiles... It's so horrible, so sad....
Pas d'issue...
En ce moment, il en reste trois... La police va peut être
les emmener aussi, nous ne savons pas...
Étant donné que mes messages sont publiés
sur Internet, je rappelle, que je ne suis qu'un témoin,
ni journaliste, ni capable de porter une réflexion quelconque...
Je témoigne simplement en tant qu'être humain, touchée
par l'hypocrisie, l'horreur de ce monde...
Baisers Mumm...et tous
Love Mela
message du 28 avril : immolation hungerstriker
Je ne suis pas sûre de vouloir continuer à diffuser
mes chroniques...
Je voulais juste informer de ce qui se passait, tant que les médias
n'en parlaient pas. Maintenant, ils semblent faire leur boulot,
surtout après les derniers évènement... Mon
rôle immédiat est fini.
Mon but n'est pas de défendre leur acte, juste de comprendre
comment ils en arrivent à un tel sacrifice...
Je me dois cependant de vous informer des derniers faits, le cauchemar
du lundi 27 avril :
La police étant venue la veille, les tibétains s'attendaient
à une nouvelle visite en soirée. Toute la nuit...
attente...
Une trentaine de supporters s'étaient allongés devant
la tente des 3 derniers hungerstrikers. Deux journalistes photographes
étaient présents... Attente... Je me suis endormie
dans un coin...
Lendemain matin, réveil... Rien...
Quand tout à coup, vers 6h00, tout le monde se lève,
la police arrive. Ils sont une centaine à cerner les lieux.
Les tibétains se précipitent alors dans la tente
pour éviter que l'on emmène les derniers hungerstrikers...
Les policiers indiens y parviennent avec leur habituelle "douceur"!
C'est alors la panique générale...
Une colère se dégage, s'exprime... Les femmes hurlent,
crient... Je me suis mise sur le côté... Je parviens
discrètement à prendre quelques photos, mais plus
tard mon film sera confisqué par la police... Je vois soudain
des flammes... J'étais loin d'imaginer cette horreur !!!
Vous devez être au courant... Panique, désespoir,
I don't know... Mais un homme s'est immolé au coeur de
cette agitation... Il a été brûlé à
90 degrés... Son état est plus que critique !!!
Choc de cette horreur... Les tibétains me disent "
It's sad, mais ce n'est qu'un début, si aucune réaction
ne viennent des Nations unies..."
Encore une fois, je ne suis pas là pour juger. Mais je
suis horrifiée de voir à quel stade ils en arrivent...
Je ressens un terrible désespoir de leur part... Pour eux
c'est la dernière solution pour faire réagir. Je
ne sais qu'en penser. Tout cela est tellement violent. N'ayant
plus de pays, leur culture étant en train de disparaître,
aujourd'hui ils se suicident !!! Terrible...
Ils n'ont pas encore eu d'écho des Nations Unies, ni du
Dalaï-Lama....
Merci de comprendre mon besoin de recul.
Merci de votre soutien
A bientôt....
Ce n'est pas mon histoire, ni mon combat ! Je ne suis qu'un témoin
qui essaie avant tout de comprendre...
Mélanie
Thanks for your messages, et pour tous les soutiens...c'est très
beau... J'en ai informé les hunger strikers, ils souriaient...
Ici c'est, disons... la vie... Comme me disait Karma tout a l'heure
(le plus jeune des hunger strikers 24 ans): "It's happening..."
On ne sait pas ce qui va se passer, si ce sera bon ou pas, mais
ca se passe... C'est ainsi."
Commentaires de Marie-Hélène,
mère de Mélanie, le 29 avril 98
Mélanie m'a appelée hier soir de Dehli : elle avait
pu dire au revoir à l'hôpital à l'accompagnant
tibétain qui s'est immolé par le feu lundi devant
les caméras de la BBC, puisqu'il n'y a que les photos d'horreur
qui mobilisent les media, et qui a dû mourir dans la nuit.
"Terrible, un brasier qui se déplace dans tous les
sens en hurlant...Je n'aurais jamais imaginé une telle
horreur !!! "
Elle a pu aussi parler aux grévistes de la faim maintenant
à l'hôpital, (mais remplacés par 6 autres
sous la tente) et prendre des photos du Dalaï-Lama venu les
visiter alors qu'elle était à leur chevet avec les
femmes qui soutenaient comme elle les six grévistes de
la faim.
Personnellement je ne considère pas la grève de
la faim comme un suicide, mais comme un don, l'ultime recours
de l'être humain quand sa dignité est bafouée
et qu'il n'a plus que sa vie à donner.
C'est aussi la solution qu'avait choisie Gandhi pour faire valoir
les droits de son peuple, le jeûne à mort, deux fois
à Dehli même, en septembre 1932 et en janvier 1948,
juste avant son assassinat, mais Gandhi n'avait jamais été
obligé d'aller au-delà de 21 jours...
merci de votre soutien : ce que nous faisons pour le Tibet, nous
le faisons pour tous. Que le Toit du Monde protège
à nouveau le Monde !
marie-hélène
Date: Fri, 1 May 1998 23:25:34 +0500
Subject: Mela L'espoir est toujours là
Vendredi 1er mai, Delhi
Voilà 2 semaines que je suis à leur coté.
J'ai eu besoin de faire une petite pause. Veuillez m'en excuser,
trop d'émotions... Je pensais pouvoir garder sans arrêt
du recul, rester détachée... Mais j'ai des sentiments
(heureusement), comme tout être humain... normalement !!!
De ce fait, j'ai eu peur, comme je vous l'ai expliqué,
de manquer d'objectivité.
Espérant un monde où chaque être humain aurait
la liberté de vivre comme il l'entend, dans l'harmonie
et le respect, je ne peux qu'être touchée par un
peuple qui revendique ce droit. Ainsi, aujourd'hui, j'assume l'émotion
que ce mouvement suscite en moi. C'est finalement grâce
à elle que je suis ici, pouvant témoigner.
Bon, c'étaient mes petites explications... nécessaires...
afin que ma démarche soit comprise.
En réponse à un courrier de soutien (merci J.G.,
je ne sais si je peux me permettre d'inscrire ton nom) : J'ai
effectivement conscience, que pour les tibétains, la mort
n'est qu'une étape de transition. Ce que je trouve néanmoins
très dur, c'est que cette mort (par une grève de
la faim illimitée ou par immolation) n'est pas un but en
soi, un désir, mais seulement un moyen pour obtenir leur
objectif...
Ici les tibétains me répètent "it's
sad"...
It's sad, cette ignorance des Nations unies, des Etats membres,
des médias...
"It's sad, so sad" cette immolation...
Comme vous devez être au courant, Thupten Ngodup, âgé
de 50 ans en est mort dans la nuit de mardi 28 à mercredi
29 avril, après avoir reçu la "visite"
du Dalaï Lama...
Le soir, avec Gaynor et Hansa, nous avions pu lui dire au revoir,
après autorisation des médecins. C'était
important... Nous sommes entrées dans sa chambre. Il était
couvert de bandages, excepté au visage... Brûlé
à 90 degrés, on peut imaginer, je préfère
avoir la décence de ne pas décrire... Nous étions
toutes les trois, les mains jointes... et lui, Thupten, ayant
encore la force de bouger ses bras...I don't know, mais comme
s'il voulait aussi nous saluer... Nous sommes bouleversées...
expliquant ma pause...
Suite à cela, à Jantar Mantar, lieu de l'hunger
strike où une nouvelle équipe a pris la relève,
ils sont nombreux à m'affirmer que ce n'est que le début,
s'ils continuent à être ignorés... J'avoue
avoir peur car une conviction de ce qu'ils disaient, brillait
dans leurs yeux.
Aujourd'hui par respect des droits de l'homme, nous pouvons agir,
chacun à notre niveau : écrivant, envoyant des e-mail,
a Kofi Annan,à nos chefs d'Etat et de gouvernement, aux
rédactions de presse...
A Rajhgath Gandhi Samadhi (sud de Delhi), lieu du "mausolée"
de Gandhi, depuis le 16 mars, plusieurs groupes se relaient pour
y faire une grève de la faim de soutien de 5 jours. En
ce moment ce sont de jeunes tibétains venus spécialement
de Dharamsala... et un canadien suit aussi cette grève...
J'y ai également rencontré Bruno un photographe
breton, qui les suit depuis le début. Il prévoit
d'en faire une expo...I l y a de l'espoir... L'information va
circuler!!!
Tashidelek
Mela
message du 5 mai : Mela goes to dhsala, à l'hôpital
les six premiers hunger strikers récupèrent
Je quitte Delhi ce soir. C'est vraiment très dur... J'ai
tenu le coup jusque-là... encore un petit effort...
Je suis épuisée, aussi bien moralement, tous ces
événements me touchent vraiment... sans parler de
la vie quotidienne en Inde : effectivement, avant hier j'ai failli
buter sur un homme allongé sur le trottoir. Je m'écarte,
jusque-là tout est normal, tout le monde occupe les trottoirs,
quand je sens une odeur terriblement nauséabonde. Je reviens
sur mes pas, regarde : son visage était recouvert de bestioles...
il était mort, sûrement depuis plusieurs jours. Tout
le monde passe sans faire attention... wouahhh... OK c'est l'Inde...
dur dur quand même
Hier je suis allée dire au revoir aux 6 hunger strikers,
à l'hôpital. Que je rassure tout le monde : ils vont
bien, ils ont été transférés dans
un autre, first class, à la demande du Dalai lama. L'entrée
est contrôlée, les journalistes peuvent s'y rendre.
Étant restée longtemps près d'eux, j'ai pu
entrer. Visite très rapide, ils ont besoin de repos, juste
le temps de leur offrir des photos que j'ai pris d'eux et du Dalai
Lama, qui leur a rendu visite la semaine dernière...
Ils sourient, me remercient... C'est un vrai bonheur de les voir
ainsi. Ils mangent tous et recouvrent peu à peu leur forme,
mais ont encore besoin de repos... Je ne sais pas encore comment
ils vivent le déroulement des événements.
Il y a quelques jours, Karma m'a juste dit "it's happening",
avec toujours son sourire serein.
La deuxième équipe continue, aujourd'hui ils entament
leur 8ème jour...Cela va être de plus en plus difficile
étant donnée la température qui ne fait qu'augmenter.
Delhi est un vrai four. (...)
Tashidelek!
Mela
Message de Dharamsala le 17 mai 1998
Merci encore pour votre soutien... Chaque message reçu
est bénéfique. ... Nous sommes tous en "connection".
Nouvelle de grande importance : le TYC a décidé
d'interrompre "momentanément" la grève.
Dès que je peux je vous envoie leur communiqué.
En bref, ils ont pris cette décision après les nombreuses
réponses de soutien : de Mary Robinson (de la Haute Commission
des Droits Humains des Nations Unies), mais aussi de nombreux
gouvernements tels les USA, de l'Union européenne, du Canada,
d'Australie, de Pologne, Hongrie, Norvège, Costa Rica...
Lobsang, premier tibétain avec qui j'en ai parlé,
a un avis partagé : il est déçu, car leur
objectif n'a pas été atteint (réponse exacte
à leur 3 demandes), mais d'un autre côté il
avoue être rassuré pour la santé des 5 derniers
grévistes, qui ont tenu 18 jours de grève de la
faim sous la chaleur oppressante de Delhi (comme j'ai déjà
pu le décrire...).
Depuis que je suis là, 10 jours maintenant, je suis étonnée
par le calme qui règne à Dharamsala. Devant le Community
Center (lieu de rendez vous des jeunes tibétains également
des "westerns", bref lieu de passage), tous les matins
une quinzaine de tibétains principalement âgés,
récitent des mantras pour Thupten. Cela pendant 49 jours,
durée du Bardo Thodöl (cf le livre tibétain
des morts).
Autrement... Calme... j'entends très peu parler de Thupten
et de la grève... J'essaie d'avoir leurs impressions...
pas évident. Ils sont très discrets. Peut-être
est-ce un ce repos nécessaire après la folie, de
la crémation ? journée très intense... tous
me l'ont décrite : désespoir, folie, rage...I don't
know. ... Et Karma et Yungdrund (les deux plus jeune
grévistes de la première équipe) que j'attends...
J'ai l'impression de les connaître par ce que j'ai ressenti
durant ces trois semaines, par ce qu'ils m'ont émis, sûrement
sans le savoir...Une énergie...des sensations... maintenant
j'attends de les connaître eux... from DHsala, little
Lhassa Mela
Message du 25 mai 1998 : hunger strikers sont de retour
Aujourd'hui, dimanche 24 mai grand jour : les 11 hungerstrickers
sont de retour!!! Une célébration en leur honneur
est prévu au temple ce matin à 9:00...
Cette nuit j'ai dormi sur le toit (trop chaud dans ma petite chambre),
sous la protection d'un chien dormant a mes pieds... Je ne veux
pas manquer leur arrivée. pas de risque: réveil
naturel a 6:30 grâce au soleil, et aux croassements de corbeaux.
Je vais savourer ma tsampa porridge chez Tara restaurant (qui
me rappelle la bouillie de Mammig...) wouahhh "shimashi shimbudu"
(délicieux...) Il est 8:30, je rejoins la trentaine de
tibétains et foreigners qui attendent l'arrivée
des hunger strikers, sur la place de Mc Leod... Curieux, ils ne
sont pas si nombreux... d'autres sont peut-être au temple?
Attente... attente, comme toujours... tout le monde est calme...
les personnes âgées font tourner leur moulin a prière
; certains récitent des mantras a l'aide de leur mala.
D'autres brandissent sagement des petites pancartes, toutes en
tibétain... attente... 10:00, le soleil est déjà
très fort...on entend dire qu'ils seront la, seulement
vers midi... tout le monde se disperse alors calmement... Je décide
d'aller tranquillement vers le temple. Sur le chemin, rencontre
d'amis tibétains, ils attendent toujours calmement... un
simple sourire serein sur leur visage...
Il est midi, le temple se remplit de plus en plus... attente...
il fait vraiment très chaud... certains ont réussi
à se mettre à l'abri des quelques arbres, d'autres
se cachent sous des parapluies aux couleurs du drapeau tibétain
(bleu, jaune, rouge, blanc) faisant ici office de parasols utiles,
ou se protègent simplement sous un carré de tissu...
de nombreux élèves du Tibetan Children's Village
(TCV), vêtus de chemises vichy et de pantalon uni bleu;
des nonnes, moines aux robes bordeaux et jaunes... que de couleurs
sous le gigantesque drapeaux tibétain brandi au dessus
d'eux...
Attente sous ce soleil brûlant, exceptionnel à Dhsala
pour cette saison ! Vers 13h, bruits de motos près du temple...
tout le monde s'agite... fausse alerte... Mais 1/4h plus tard...
le moteur d'un bus gronde... il essaie de se frayer un chemin
parmi la foule, s'arrête face au temple... et descendent
les 11 hunger strikers de la 1ère et 2ème équipe...
tout le monde se lève, crie, siffle, applaudit (j'ai enregistré)...
j'aperçois Tashi, un ami proche de Karma, également
peintre de Tanka, le cherchant du regard... ses yeux brillent...
Je continuerai demain... la boutique ferme Tashi delek Mela
Message du 29 mai 98 : Sonam et le jeune moine hunger sont à
l'hôpital de Dharamsala
Maintenant chaque seconde est comptée. J'ai très
peu de temps pour écrire.
En effet, je quitte Dhsala lundi, aussi je préfère
profiter des derniers moments qu'il me reste ici avec les tibétains
plutôt que devant un écran... Je suis de retour dans
10 jours, les nouvelles arriveront donc très bientôt...
Nouvelles en bref :
Sonam, faisant signer des pétitions a Delhi pour la libération
de son fils emprisonné depuis 18 ans, a été
hospitalisée. Elle est à Dhsala, j'ai pu la voir
aujourd'hui... heureuse de la savoir assistée... mais sa
santé est critique. Atteinte de tuberculose, les médecins
constatent également un état dépressif...
En outre, le jeune moine faisant partie de la 2ème équipe,
est également au Delek Hospital de Dhsala. J'ai entendu
dire qu'il aurait aussi la tuberculose, je dois vérifier
demain, auprès des docteurs.
Beaucoup de choses chaque jour, je n'ai pas le temps de tout décrire...
Mais quand même, c'est important:
J'ai pu serrer la main de Sa Sainteté le Dalai Lama, lors
de l'audience publique lundi dernier... un être humain dans
toute sa simplicité, la compassion...
Merci toujours pour les soutiens...
Tashi delek
Mela
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page à vos amis, proches et relations. bienvenue
en Bretagne : soutien au Tibet et mai 68 : http://perso.club-internet.fr/mhledoze/
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