Sur le Journal gaelle-polac

Avant de rendre public le lien vers mon journal sur Polac, j'ai demandé l'avis d'un de mes lecteurs favoris, devenu grand ami virtuel, voici sa réponse arrivée très vite :


Ma chère Marie-Hélène,

Je n'ai pas lu les pages de ton journal, je les ai dévorées. On a
l'impression de se retrouver dans l'univers de Malcolm Lowry ou
dans celui de Henry Miller deux auteurs que j'ai beaucoup lus et aimés au
temps de ma jeunesse. Quand je visite une librairie et
que je me laisse aller au plaisir de bouquiner, je vérifie toujours à la
lettre L ou à la lettre M ce qu'ils ont sur leur tablette. Vieille
habitude qui remonte loin en arrière où les librairies et ma petite chambre
d'étudiant étaient les lieux où je me sentais vraiment bien.
Quelques bars nous accueillaient aussi et certaines soirées étaient bien
arrosées de houblon. Mais je n'ai vraiment pas le foie
pour trop exagérer de ce côté et au bout d'un certain nombre de
consommations plus rien ne rentre. Mon plus soif arrive assez
vite. Alors quand je lis tes aventures sur le plateau de l'émission de
Polac, je rigole un bon coup conscient de toute ta
provocation et j'imagine très bien toute la fascination que cette jeune
femme un peu partie devait exercer sur les autres invités.
Tu avais si bien lu Lowry que tu leur mimais son aventure en plus de
l'expliquer. Ce que tu racontes dans ces pages me fait un
peu penser à certaines entrevues que Serge Gainsbourg a accordées vers la
fin de sa vie où il présentait son personnage
d'auteur ravagé par l'alcool et le tabac. Il en remettait et en remettait
avant même que le client en demande. Je me rappelle aussi
une entrevue de Jack Kerouac à la télé de Radio Canada donné en
franco-américain. Il était tellement intimidé de parler
canuck à la tv qu'il avait fallu que les recherchistes de l'émission le
bourre de wiskey pour le décider à répondre aux questions
de Fernand Séguin (cet annonceur fut célèbre en son temps pour ses efforts
de vulgarisation de la science auprès du grand
public). Ce fut mémorable d'entendre cet écrivain immense qui a inspiré
toute une génération parler de son oeuvre comme
quelque chose d'un peu inachevée parce qu'elle avait été écrite dans une
langue étrangère s'étant rapproché vers la fin de sa vie
de ses origines francophones. Je pense qu'il a séjourné quelque temps en
France à la recherche de ses ancêtres. De grands
passages de ses derniers livres sont écrits dans ce franglais lorqu'il tente
de se replonger dans son enfance à la recherche de ce
frère tellement aimé, Gérard, je crois.
Tu vois comment ces extraits me lancent dans des souvenirs ce soir et me
distraient de mes soucis. C'est drôle je défriche ton
écriture en deuxième lecture. Je parcours ton texte y repérant certains mots
puis je reprends le tout et tout le texte se révéle peu
à peu comme par magie. Fascinant et magistral, ce récit qui porte en germe
la femme que tu es devenue quelque trente ans
plus tard. D'une grande lucidité donc face aux hommes et surtout face à ce
personnage pas très sympathique ce Michel Polac,
grand séducteur et pas beaucoup de coeur ou d'âme. Ces pages nous prennent
du début jusqu'à la fin et sont tellement fortes
qu'elles te posent en véritable personnage de roman. En te lisant, on
souhaite, comme tu l'as réussi, que tu échappes à cet
univers intello, bon chic bon genre où tu aurais pu perdre ton âme. Je te
préfère en recluse sur ton bout de terrain face à la mer
que perdue dans ce milieu si factice. La tentation était là et tu aurais pu
te faire une place intéressante si tu avais consenti à trahir ta nature
profonde. Ta route a été assez tumultueuse côté amour. Étonnant que tu sois
arrivée à cette sérénité actuelle. Tu as
dû voir l'envers de la chose ou la vanité du sexe sans un amour profond.
Merci d'avoir partagé ton aventure avec moi.
Affectueusement.

Rob
dimanche 6 février 2000

Ma réponse :

Tu es incroyable, tu as mis le doigt sur ce que je n'avais pas encore écrit
en commentaire, or si j'ai eu besoin de rouvrir mes pages c'est parce que
j'ai été très déçue du peu d'humanité révélée dans le journal de Polac pour
qui j'avais une grande admiration, son côté provocateur me plaisait bien
(c'est dans son émission droit de réponse que Gainsbourg avait fait son plus
grand cinoche en brûlant un billet de 500 balles !). L'humanité de Polac au
cours de ces 560 pages (que j'ai quand même dévorées), je ne les ai trouvées
que dans 5 lignes, quand il se penche sur le berceau de sa petite fille
Angela !
Tout au long de ses pages, il pleure sur lui-même parce qu'il n'a pas su
faire son oeuvre... Il me le disait déjà en 70-71-72, mais il est resté dans
ce milieu factice et il y a perdu son âme...

En fait il m'a protégée. C'est sans doute lui qui m'a donné l'évidence : mon
oeuvre ne se ferait que dans la solitude, il faut quitter Paris si on veut
approfondir ! il était très admiratif de Thoreau !
Bref je l'ai écouté des heures, et j'ai retenu les leçons, mais lui n'a pas
su s'intéresser à "ses" femmes, il me l'a écrit d'ailleurs quand je lui ai
envoyé Aquamarine en guise de cadeau d'anniversaire : "j'ai découvert une
vie que j'ignorais car tu ne m'avais pas dévoilé ton passé."
Je le disais déjà dans une des pages, qu'il ne s'intéressait pas à ce que je
pouvais être, j'en étais consciente, mais je pensais qu'il pouvait
m'apprendre beaucoup.

Bon tu sais Rob, c'est parce que j'ai tout dévoré et bien éclusé que j'ai
cette sérénité actuelle, j'ai tout choisi en connaissance de cause !
mais je reconnais que j'aurais pu y laisser ma santé, ma raison et mon âme,
j'ai eu chaud !
et je ne bois plus qu'avec modération pour continuer à apprécier toujours
les grands crus !


Ton avis est toujours incroyable, quel talent d'analyste, bon dieu je suis
en admiration !
Eh ça fait du bien de ne pas oublier ce qu'on a été, le bon comme le moins
bon qui nous a permis de nous construire!

Bon alors je vais oser publier ces pages ! merci Rob !

Marie-Hélène
lundi 7 février 2000 Kerantorec

Un autre message du Québec :

de: <jpoirier@polyinter.com>
Date : lundi 21 février 2000 20:37
Objet : Re: Tibet... et tes souvenirs

Bonjour Marie-Hélène,

Je suis allé faire un tour sur tes souvenirs des années 70 et tes notes sur Michel Polac. Je le regardais à une émission très récente de Pivot et je ne peux m'empêcher de te faire partager mes impressions sur l'image qu'il ydégageait.

Je ne voyais plus le Polac, dynamiteur alerte sur une chaîne publique de télévision des années 80 (Droit de réponse), mais un "vieux petit garçon".

Plus soucieux d'exprimer ses rejets, tant en humains qu'en textes et auteurs, que de faire partager des coups de coeur pour une oeuvre ou une plume récentes. Un monsieur triste et quasi désespéré, ayant fait de son horizon un camp retranché, qui tiendrait dans le carré d'un mouchoir, où seuls pouvaient encore figurer Dostoïevski et deux ou trois autres que je ne citerais pas par mégarde.

Triste, vraiment, cette impression d'une vie qui se rencoigne dans un cabinet de lecture où le soleil ne rentrera plus.

Voilà ce qui surgit de mes souvenirs, alors que je peux heureusement profiter d'auteurs dont la maturité ne se complait pas dans l'égotantrisme.

Je t'embrasse et te souhaite une très bonne semaine.

Amicalement

Jean-Claude

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Ma réponse :

Cher Jean-Claude,

Tu exprimes exactement ce que je ressens, ça a été une grande déception pour moi la lecture de son journal, j'en avais gardé l'image dynamiteuse comme tu l'évoques, encore plus révolutionnaire à l'epoque du Post-Scriptum sur Malcolm Lowry, et il n'a plus guère d'humanité...

Curieux comme certains égoïstes vieillissent bien mal...

Et que je suis contente de n'être pas restée dans ce monde factice !

Marie-Hélène